Un viognier, un pinot noir et une syrah. Retour sur trois vins au verre dans un accord mets-vins où se mêlent la France, l’Australie et un peu du Vietnam.
La semaine passée j’ai eu le plaisir de déjeuner au restaurant Le Mazenay, une valeur sûre parisienne où l’on revient toujours. Le lieu est tenu par Lan et Denis Groison. La carte des mets est courte mais efficace avec certaines signatures indétrônables, comme les escargots, les pommes dauphine et le millefeuille.
La carte des vins est fournie et inattendue car l’on ne s’attend pas à autant de références, couvrant toutes les régions de France, avec une préférence pour la Bourgogne (le chef est bourguignon… mais c’est madame, de Haiphong, qui sélectionne). Je décide ce jour-là de m’en remettre aux choix de la patronne pour un accord de vins au verre.
Un viognier tout en fraîcheur
Pour commencer, un vin blanc sec, la cuvée First Flight 2021 de Graeme & Julie Bott dans le Rhône, un 100% viognier en IGP collines-rhodaniennes. J’avais d’ailleurs découvert ce domaine dans ce restaurant, sur les conseils de Lan.
La robe est assez claire, d’un jaune pâle. Au nez, on retrouve des notes d’agrumes, de fleurs blanches et d’acacia. En bouche, le vin est léger, fluide, assez minéral, avec une pointe d’amertume. Je suis agréablement surpris, étant resté ces dernières années sur l’image de viogniers du Rhône un tantinet déséquilibrés, voire lourds. Celui-ci est frais et se marie bien avec les nems faits maison selon la recette de la maman de Lan, accompagnés de leur salade assaisonnée d’une vinaigrette au calamansi. Le gras de la friture s’estompe devant la vivacité du vin, et les arômes de fruits exotiques (ananas, fruit de la passion) du viognier se marient bien avec les épices et les herbes dans l’assiette.
Élégance du pinot noir bourguignon
Avant l’arrivée du plat, Lan me propose un chassagne-montrachet rouge « Les Chênes » 2019 de Philippe Colin. Nous sommes donc en Bourgogne, sur du pinot noir. J’ai le souvenir d’avoir goûté de beaux blancs de ce domaine, mais pas encore de rouge. La robe est d’un rubis éclatant. Le nez me semble un peu jeune au début, pas vraiment en place, puis il se pose après quelques minutes d’aération dans le verre. Très fruité, très pinot, avec une belle acidité, un équilibre et une élégance tout à fait savoureux. C’est gourmand et frais, avec une certaine complexité.
La syrah rhodanienne version… australienne
Le plat est un pigeon farci de chou et foie gras, accompagné de puntarelle avec un condiment de coing et un jus de viande à l’échalote. Lan me sert une Shiraz 2001 australienne de M. Chapoutier, producteur de vin réputé dans le Rhône. C’est intéressant à double titre car non seulement je n’ai jamais goûté de syrah australienne, mais qui plus est d’un illustre domaine rhodanien.
La robe est dense. Le nez également. Il est épicé, poivré, avec quelque chose d’un peu confit qui me rappelle le pruneau mais sans surmaturité. L’équilibre en bouche est très harmonieux. J’y retrouve un côté fumé, mais également épicé et poivré, sans être trop démonstratif. C’est très agréable. Il y a de la matière et surtout une grande fraîcheur. L’acidité du vin participe à l’équilibre de l’accord avec les pommes dauphine, servies à part. Je n’ai réalisé qu’à la fin du repas que le millésime était 2001. J’ai été étonné par l’aromatique et la fraîcheur de ce vin de 22 ans. Je lui aurais facilement donné 10 ans de moins.
Je retiendrai deux choses de cette dégustation. D’abord, l’envie de découvrir les autres vins blancs du domaine Bott puisque ma curiosité a été attisée. Mais aussi qu’il est toujours bon de dépasser ses a priori et de se laisser guider vers des syrah en provenance d’autres continents.