Camille Loye en 2013 ©Wouter De Bakker

Deux chardonnay, deux mythes.

Comme beaucoup d’amateurs de vin, la période des fêtes m’a amené au dilemme suivant : est-ce le bon moment pour ouvrir les précieuses bouteilles que j’ai cherchées, acquises, voire accumulées dans l’attente du «grand soir » ! Ou pas ?

Bien que je n’attende plus un « grand soir », me contentant du « moyen soir » pour profiter des bonnes bouteilles avec les bonnes personnes, j’ai à nouveau craqué cette année.

Deux jours, deux mythes et deux dégustations… disons… contrastées.

D’un côté un Bourgogne Chablis Valmur 2001 du domaine Raveneau, mondialement renommé, un grand cru un peu âgé (chez Raveneau la notion de l’âge m’est cependant apparue très relative depuis mes premières dégustations…). De l’autre un vin au pedigree beaucoup plus modeste sur le papier, un Arbois cuvée Luron 1975 de Camille Loye.

Deux mythes, deux vins.

Deux chardonnay ouillés, deux régions différentes, tous les deux « à maturité » voire plus, avec un décalage de 26 ans entre le jeunot et son vénérable aîné.

Tous les amateurs de vin, notamment ceux du domaine Raveneau, ont sans doute déjà connu cette sensation bizarre du stress pré-dégustation : est-ce le bon moment ? Les conditions sont-elles réunies ? C’est la seule bouteille que j’ai, l’accord avec le repas sera-t-il réussi ? Le plus dur étant sans doute de dépasser ces automatismes pour se concentrer sur le vin. 

La robe commence seulement à faire son âge. Au toucher de bouche il me semble reconnaître l’aspect  soyeux, velouté et pourtant léger comme une plume assez caractéristique des vins de Raveneau. C’est encore jeune, avec une minéralité assez prononcée. Mais au bout d’une heure, branle-bas de combat : le vin prend des notes étonnamment exotiques, sur… le fruit de la passion et l’ananas ! L’accord avec le repas devient caduque.  Le vin, certes plaisant, s’avère alors éloigné de mes attentes. Il me semble avoir mieux goûté d’autres vins de chez Raveneau à un âge similaire, notamment des premiers crus Butteaux.

Deux mythes, deux vins.

Au tour de l’Arbois. Sur le papier un chardonnay ouillé de 47 ans peut faire peur. Et pourtant. Certes j’ai déjà pu apprécier à plusieurs reprises des vieux chardonnay de Camille Loye. Certains avaient mieux vieilli que d’autres, mais dans l’ensemble j’ai toujours été estomaqué par ces vins. Celui-ci ne fait pas exception. C’est assurément… âgé, mais au-delà du nez envoûtant, du toucher de bouche délicat et soyeux, on retient ce très bel équilibre entre acidité, longueur, complexité sur des arômes de noisette, de noix, d’herbes séchées, de truffe, de moka, avec de l’umami. Une arômatique inhabituelle, mais délicieuse : la magie des grands vins blancs secs d’un certain âge.

Camille Loye est mort à Arbois en juillet 2020, à l’âge de 100 ans. Son dernier millésime date de 1990, mais il recevait encore très volontiers les clients il y a quelques années et vendait ses vins, blancs comme rouges, qu’il avait précieusement conservés jusqu’à ce qu’il les considère prêts à déguster.

Camille Loye en 2013 ©Wouter De Bakker

Je ne peux m’empêcher de me demander comment goûterait un grand cru de chez Raveneau de 47 ans. Et me réjouis d’avoir encore quelques bouteilles des vins de Camille Loye. Comme quoi, appellation, renommée ou millésime, le plaisir de la dégustation réserve toujours de nouvelles surprises.


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