Maki Paris Kôji
Lunch 100% kôji

Lunch autour du kôji, le dernier superfood japonais.

Très à la mode au Japon, loué pour ses vertus gustatives et bénéfiques pour la santé, le kôji est le dernier superfood japonais, encore très peu connu en France. Quelques rares grands chefs (Japonais) commencent à l’utiliser. Qu’est-ce donc ?

Le koji ou kôji est un ferment utilisé depuis la nuit des temps au Japon. Il sert notamment à la fabrication du miso et du saké. Si l’on dit que le miso contribue à la longévité légendaire des Japonais, c’est grâce à la teneur élevée de koji dans le miso. Légende ou réalité, un hôpital qui fabrique lui-même son miso au sous-sol du bâtiment aurait un taux de guérison spectaculaire de ses malades de cancer.

Encore méconnu du grand public au début du siècle, le koji est vite devenu un produit du quotidien. On vante son action sur la flore intestinale qui contribuerait à une meilleure digestion et à détoxifier l’organisme. Ses super pouvoirs culinaires ne sont plus à prouver: il attendrit la viande, décuple l’umami, ajoute un goût sucré sans sucre et plus complexe.

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En France, Kei Kobayashi (Restaurant Kei ***) et Kazuyuki Tanaka (Racine **) l’utilisent depuis peu dans leur cuisine. Anne-Sophie Pic (Maison Pic ***) s’y intéresse aussi.

Une moisissure ancestrale

Alors, qu’est-ce que c’est ? Dans le langage courant, le mot “koji” désigne généralement le condiment que l’on fait à partir de kôji de riz.

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Paquet de kôji de riz que l’on trouve partout au Japon.

Au Japon, on trouve dans n’importe quel supermarché des plaques sèches de kôji de riz qui nous sert de base pour faire du koji au sel. Pour ce faire, il suffit d’effriter la plaque et de la mélanger avec du sel et de l’eau, puis de la laisser fermenter quelques jours à température ambiante ou 8 heures dans une yaourtière à 58°C.

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Kôji de riz sec, à effriter et mélanger. Il a un aspect un peu “fromage” en devenir. Les grains de riz, très friables, sont recouverts d’un duvet doux.

On obtient ainsi du shio-kôji ou “kôji au sel”, un liquide nuageux, avec des grains de riz très mous au fond. Son apparence rappelle celle d’un congee (soupe de riz).

La méthode de fermentation est sensiblement la même pour le kôji de sauce soja ainsi que d’autres “parfums” de kôji. C’est génialement simple… Si on a du kôji de riz. Celui-ci est compliqué à fabriquer car il faut le matériel spécifique, du temps et le savoir-faire. Peu de néophytes s’y aventurent.

*** Koji, kôji et kôji. La langue japonaise n’est pas cartésienne… Le kôji-kin (champignon kôji) est un ensemble de moisissures de la famille des Aspergillus dont principalement les Aspergillus oryzae et Aspergillus sojae que les Japonais ont appris très tôt à utiliser dans l’alimentation. Le komé-kôji ou kôji de riz est le riz ensemencé de ce champignon. De même pour le blé, l’orge ou le soja.

Un déjeuner de kôji

Femme au foyer japonaise en France, Maki El Akkari est devenue une experte en kôji. Cela fait cinq ans qu’elle vit à Paris mais elle ne maîtrise toujours pas le français “à cause” de son mari qui parle un japonais parfait, dit-elle avec humour. Elle tient des ateliers de cuisine de kôji chez elle et ce vendredi 14 avril, elle propose un déjeuner tout kôji chez Fromagerie Hisada, rue de Richelieu. Cet évènement qu’elle a nommé “Café de Kôji Colors” aura lieu une fois par mois. Le prochain rendez-vous est le 12 mai.

Maki Paris Kôji
Maki El Akkari derrière le bar au salon de dégustation de fromages à l’entresol de la fromagerie Hisada. Le plafond est bas et le côté “on a entassé des tas de choses en pagaille” contribue à cette impression d’être dans un petit café à Tokyo (ils sont comme ça!). Le lieu est tout petit, avec quelques tables et chaises.

Le repas a commencé par un bouillon de bienvenue fait de poireau et gingembre, dans lequel on a dilué un peu de kôji. Il est chaud et s’ouvre en bouche avec un umami légèrement sucré, salé et étonnamment profond.

“C’est très bon avec du bouillon de poulet mais aujourd’hui, je l’ai laissé intentionnellement au kôji seul pour que vous puissiez déguster son umami” dit Maki. Quelques grains de riz du kôji sont restés au fond du verre. Ils ont un goût fade de fermentation et sont extrêmement mous, un peu comme des pâtes trop cuites.

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Le reste du déjeuner était servi sur une seule grande assiette. Poivrons marinés au kôji à la sauce soja (shoyu-kôji), amazaké et vinaigre de pomme. Chou-fleur sauté au kôji à la sauce soja et shiso (shiso shoyu-kôji), cumin, poudre de curry et sirop d’agave. Riz blanc au kôji d’orge au sel. Aubergine au miso, amazaké et roquefort. Tonkatsu de filet de porc au kôji au sel (shio-kôji), sirop d’agave, cornflake et mimolette.

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Le menu du jour, tout petit, entièrement en japonais. Pas de version française mais la patronne, Eri Hisada, parle français.

En dessert, un shiruko ou soupe de haricots azuki avec amazaké, lait de soja, lait de coco, anko de dattes et boulettes de riz gluant shiratama.

Les plats au kôji

Difficile de décrire le goût qu’apporte le kôji. À la sauce soja, il est très salé, avec une pointe d’amertume qui reflète sa couleur très brune presque noire, même si la fermentation au kôji le rend plus rond et doux qu’une sauce soja simple. Lorsqu’il est utilisé ainsi pour une vinaigrette ou une sauce sans cuisson, il apporte de l’umami comme une sauce soja mais avec une rondeur et une complexité supplémentaires. Maki semble aimer le fromage (ou c’est parce que cela se passe dans une fromagerie) mais l’apport du fromage rend un peu difficile l’appréciation de la saveur du kôji.

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Poivrons grillés au four, puis marinés dans une vinaigrette de kôji de sauce soja, vinaigre de cidre et d’amazaké.

Mais le mariage entre le kôji, qu’il soit de sel ou de sauce soja, et de fromage, donne des saveurs surprenantes et très très profondes, qui ne seront peut-être pas au goût de tout le monde mais plutôt destinées aux amateurs de sensations fortes.

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Le chou-fleur est mariné 24h au kôji de sauce soja et épices, puis rôti au four. Devant, le dengaku d’aubergine. Comme un dengaku classique mais au miso sucré à l’amazaké, roquefort en sus.

L’autre surprise est la tendreté de la viande, ici le filet de porc. Vous remarquerez qu’il n’y a que des baguettes. Aucun couteau en vue. Mais les morceaux de tonkatsu sont un peu trop gros pour être avalés entiers. Il faut les croquer, avec les baguettes. Exercice toujours précaire…

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Riz au kôji de sel, avec une noisette de tsukudani d’orge au kôji de sauce soja.

Mais le kôji a tellement attendri la viande qu’elle se coupe sans problème avec les dents, tout en restant ferme et très juteuse. Je pense que c’est un peu l’effet que donne le bicarbonate de soude, très utilisé dans la cuisine chinoise mass market, pour attendrir les viandes et donner du croquant aux crevettes (à vérifier, je ne suis pas experte en la matière). Mis à part le côté chimique du bicarbonate de soude qui ne donne pas envie, le kôji apporte du goût et le transforme.

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Katsu de filet de porc, mariné au koji de sel puis enrobé de cornflakes parfumés à la mimolette et frit.

Le katsu était fait non pas de panko japonais dont on ne trouve que des versions bourrées d’additifs et gras en France, mais de cornflakes bio pour le croustillant craquant et la sucrosité. Un petit ajout de sirop d’agave à la place du sucre et la mimolette pour l’umami fromager… le tonkatsu est absolument délicieux et ne nécessite aucune sauce.

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Shiruko ou soupe d’anko au lait de coco, sucré à l’amazaké, boulettes shiratama au tofu. Dessus, un peu de kôji.

J’ai beaucoup aimé les boulettes de shiratama au tofu. Elles sont faites au tofu de soie à la place de l’eau pour le shiratama-ko. Le résultat est plus ferme que le tang yuan ou un daifuku lambda mais est très très bon avec la “soupe” de lait de soja et coco. Et toujours l’amazaké qui joue un rôle d’édulcorant. La substance légèrement grise que l’on voit sur l’anko est de l’amazaké au kôji noir, qui contient 4 fois plus d’enzymes de kôji que l’amazaké classique. Il a également une légère acidité caractéristique due à l’acide citrique produite au cours de la fermentaion, qui remplace avantageusement le jus de citron, avec une très grande complexité de saveurs.

Vendredi 12 mai

Le prochain “Café de kôji Colors” aura lieu le 12 mai et voici le menu, au même prix de 28€ par personne, boisson comprise. Riz Kra Pao, un plat thailandais très apprécié au Japon, avec de la viande hachée sautée au basilic et piment, servi sur du riz. Mais au kôji, bien sûr. Toast de crevettes au kôji. Rouleau de printemps végétal à la vinaigrette de kôji de sauce soja. Blanc-manger de noix de coco à l’amazaké, sauce mangue.

Maki Paris Kôji
Menu du vendredi 12 mai… disponible seulement en japonais.

La salle est toute petite, il y a peut-être douze couverts. Pour réserver, il faut contacter Maki sur Instagram. Son compte est exclusivement en japonais…

Café de kôji Colors by Maki
Chez Fromagerie Hisada
47 rue de Richelieu
75001 Paris
Instagram: https://www.instagram.com/maki_pariskoji/

Voir ici ma recette de saumon grillé au kôji