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Maison, ou Maison Sota

Cela fait déjà quelques années que Maison Sota existe. Originellement nommé « Maison », on l’appelle aujourd’hui plus facilement Maison Sota, en apposant au nom commun trop courant le prénom du chef, Sota Atsumi. Le restaurant occupe un bâtiment entier typique de ce quartier du 11ème arrondissement à Paris, qui fut jadis peuplé d’artisans et de toutes petites usines.

Tu vas détester

Si je n’étais jamais venue, c’est parce que tout le monde m’avait dit « tu vas détester ». Pourquoi ? Parce qu’il n’y a rien à manger ; parce que c’est comme chez Noma ; parce que ce n’est pas de la vraie cuisine ; parce que c’est trop végétal pour toi….

Il faut avouer que les premiers amuse-bouches ne m’ont pas encouragée. Une assiette de « salade verte », des mini-daikons sur un lit de glace et un potimarron avec un vague yaourt et des cubes, vaguement gélifiés.

Bah.

Nous étions deux, assis côte à côte à une grande table commune (mais bien conçue, en laissant beaucoup d’espace, préservant l’intimité de chaque groupe), face à la cuisine ouverte, comme au théâtre. C’est un peu bruyant mais très distrayant.

Je ne suis jamais très motivée quand on m’apporte de la salade, que je pris entre les doigts avec un certain dédain. On dirait des herbes en sandwich dans une feuille de laitue. Je mets tout en bouche…

Une salade verte

Mais que c’est BON !!! La « salade verte » était croquante, juteuse, parfumée et fraiche comme la rosée du matin, froide mais sans excès. Était-elle assaisonnée ? Je ne sais même pas. Les daïkons devaient être plutôt des navets (ou bien des daikons tout petits). J’ai retrouvé avec bonheur le goût des daïkons d’hiver au Japon, naturellement sucré, à la fois légèrement terreux mais très doux, d’une tendresse blanche et pure, aux fibres délicates.

Un potimarron comme un chawanmushi

Quant au potimarron… Je ne sais pas si c’était du lait ribot, du yaourt ou du fromage frais pris comme dans un chawanmushi (flan salé japonais) mais les cubes étaient du kaki. Ce que j’ai retenu, ce qui est resté gravé dans ma mémoire, c’est une douce saveur orangée, d’une fraicheur ronde et presque grasse, d’une sucrosité fine, enveloppée dans cette matière laiteuse sans gras, très légèrement acide. Un régal où je me suis retrouvée à racler le fond du bol – pardon, du potimarron.

Des châtaignes tellement bien rôties

Suivirent des châtaignes rapées rôties au feu de bois avec quelques lamelles de pomme marinée à l’hibiscus. Une sorte de salade d’herbes avec aussi des châtaignes et des copeaux de foie gras. Quelque chose d’animal (crustacé? poisson?) mariné, cru, dans du vin jaune, et mis en sandwich entre deux feuilles de chou croustillantes. Un espèce de mini-millefeuille de ce qui pourrait être des feuilles de brick fraiches ou des crêpes très fines avec trompettes de la mort, oignon caramélisé, parmesan et blette.

L’anguille à manger avec les doigts

Une anguille ikéjimé maturée sept jours laquée à une sauce soja de courge faite maison et grillée sur un bâton, à manger avec les doigts comme une petite brochette. Ferme et grasse, juteuse et explosant d’umami souligné par la sauce soja de courge et le « fumet » du feu. La même anguille mais cette fois accomodée de pâtes maison et cèpe. MEGA BON DE CHEZ MEGA BON. Une régalade totale, incroyable, stupéfiante.

Quand le rouget est farci

Épinard poché et blette rôtie au feu de bois, sauce au jaune d’œuf et bouillon de pommes de terre grillées. Un rouget farci au foie gras et poireau caramélisé, sauce oseille et réduction de Pedro Ximenez. MEGA BON DE CHEZ MEGA BON. Une pintade en croûte de sel et foin, sauce à la levure rôtie, une saucisse d’abats, du foie, de la cuisse et une farandole de légumes raves…

Des desserts parfaits

Pour le dessert, un soufflé carrément merveilleux au chocolat pas lourd du tout, une crème de noisette coiffée d’une glace rhum vanille et un peu de pomelo confit. Même les mignardises étaient absolument délicieuses, avec des petits gâteaux à la châtaigne et leur crème, un sorbet poire et huile de figuier, des « bonbons » de raisins.

Du début à la fin, c’était époustouflant. Certes dans un esprit « nordique » avec une succession de finger food mais sans l’austérité aride de nos amis de là-haut, au terroir sévère. Très végétal en restant absolument sexy. Cérébral peut-être, mais éminemment hédoniste, avec du croustillant, du juteux, du gras, de la mâche et tous les goûts de la terre et du feu. Après tout, il y a bien une raison qui explique pourquoi tous les humains sur cette planète aiment le barbecue.

Au fond de la cuisine trônent deux grands feux de bois, l’un couvert comme un four, l’autre ouvert comme un barbecue. La signature de Sota Atsumi est de tout – ou presque – cuire ici. Autre originalité de la maison : c’est le chef des lieux qui se colle aux tâches sales…. On le voit, tablier tâché, en sueur, tel un petit Héphaïstos à sa forge, cheveux presque brûlés par le feu dont les flammes crépitent et parfois s’envolent, le visage aussi noir que Jean Gabin dans La bête humaine (film de Jean Renoir, 1938). Alors qu’au passe qui fait toute la largeur de la scène, c’est le chef en second, Marcin Król, blond, au frais, au propre, qui fait les finitions et envoie les plats dans le calme et l’apparente absence de toute pénibilité.

Le service est aimable mais un peu approximatif, et les explications sont parfois un peu floues. Comme les plats sont tout sauf évidents, je pense qu’il y a pas mal d’inexactitudes dans ce que j’ai écrit ci-dessus. Si vous voulez des précisions, je vous encourage à y aller car les plats changent évidemment avec la saison. Quand une cuisine dépend autant de la fraicheur des végétaux… Mais je ne pense pas que ce soit nécessaire de tout comprendre car la simplicité de cette cuisine où on balance tout dans un joyeux feu de bois, est complexe, travaillée, pensée, pesée pour que chaque bouchée soit non seulement un étonnement mais surtout, un moment de pur bonheur gustatif. À subir, et être heureux.

Restaurant Maison (Maison Sota Atsumi)
3 rue Saint-Hubert
75011 Paris
https://www.maison-sota.com/