Octobre 2020. Parisienne depuis quelques semaines, je vis dans le 13ème arrondissement de Paris, non loin de la rue de Tolbiac, côté Alésia… L’automne pointe doucement le bout de son nez, au même rythme que les feuilles tombent, les fruits et légumes de la saison hivernale débarquent. C’est le début des courges, un légume que j’ai toujours vu dans la cuisine familiale, surtout le potimarron, la courge butternut et le potiron. A l’époque, je ne savais pas que j’allais en manger toutes les semaines pendant deux ans dans l’objectif de leur dédier un livre de recettes…
Paris et les trouvailles du marché
Pendant le confinement, je suis retournée chez mes parents, en banlieue. Je faisais mes courses au marché. J’ai adoré flâner dans les allées, voir les produits frais bien présentés, les formes, les couleurs, tout cela me donnait plein d’idées pour cuisiner. J’aimais l’ambiance avec les allées étroites où l’on se fait bousculer de temps à autre. Et ces commerçants qui vous crient dans les oreilles les promotions du jour.
J’avais beaucoup de temps pour cuisiner et puisqu’on ne pouvait pas sortir, j’ai mis la main à la pâte car c’était devenu un défi : proposer une multitude de plats tous les jours. J’ai suggéré une soirée bobun, puis mon frère m’a demandé des burgers (avec pain maison) et ma sœur s’est pris au jeu en proposant une soirée indienne avec des naans au fromage. S’en sont suivies des soirées pizzas (maison), beaucoup de pain au levain et de pâtisseries. Chaque jour, je réfléchissais à un plat et un dessert, j’ai adoré.
Après ce premier confinement très particulier, je me suis installée seule dans un appartement, dans le 13ème arrondissement de Paris avec une toute petite cuisine de 4m2 mais très bien équipée.
Dans ce nouveau quartier, il fallait tout recommencer de zéro. J’avais déjà repéré quelques petits commerces dans la rue de Tolbiac depuis le siège passager du camion de déménagement. Excitée à l’idée de découvrir de nouvelles adresses, je prends un sac de courses et je pars en repérage. Je découvre une boucherie et une poissonnerie à 3 minutes de la maison, et je suis attirée par l’irrésistible Fromagerie Quatrehomme. Une véritable caverne d’Alibaba tant les fromages sont abondants, parfaitement affinés et sentent bon.
Je poursuis ma route et tombe devant un gigantesque Biocoop, presque aussi grand que ceux des zones industrielles en banlieue. Je rentre. Visiblement ils ne vendent que des légumes français, ce qui me plaît, car je suis sensible à la question de l’approvisionnement.
Rencontre avec la diversité des courges
Soudain, au centre du rayon fruits et légumes, une montagne de cucurbitacées.
La mise en place est très jolie. Il y a une belle harmonie entre les différentes tailles, couleurs et formes. Chaque courge a son étiquette explicative avec son nom et ses caractéristiques. Certains spécimens font la taille d’une pomme quand d’autres semblent insoulevables.
La palette de couleurs va du vert foncé au blanc en passant par l’orange vif, l’orange cuivré, le beige et même le bleu gris. Les formes sont rondes, allongées, côtelées, bossues, aplaties, lisses, grumeleuses, striées…
C’est beau, vivant et joyeux ! Dans le lot, il y a des courges que je connais : le potimarron, la butternut et le potiron. Pour la plupart, c’est la première fois que je les vois en vente pour la consommation, car comme elles sont jolies et souvent utilisées uniquement pour le visuel.
Que pourrais-je bien faire avec ces courges ? Est-ce vraiment utile d’acheter des courges de la taille d’une pomme qui risquent de m’embêter au moment de la découpe ?
Je saute le pas et choisis quelques petits formats : patidou, jack be little et pomme d’or. Je pense les farcir comme des tomates en été. J’achète également un potimarron car je m’en sers souvent pour faire des soupes en hiver. Je le coupe, le fais dorer dans une casserole avec un oignon ciselé et un filet d’huile d’olive, ajoute de l’eau, une feuille de laurier et laisse cuire. Je mixe avec un peu de crème fraîche et j’obtiens une méga-bonne soupe, bien parfumée et veloutée. C’est tellement simple et délicieux !
De retour à la maison, je jette un œil dans mes livres de cuisine pour voir ce que je peux cuisiner avec des courges. J’ai plus d’une centaine d’ouvrages, il devrait bien y avoir des recettes… À part quelques classiques comme la soupe au potiron, la pumpkin pie ou la butternut farcie je ne trouve pas grand-chose en dehors des recettes compliquées de chefs.
Comment cuisiner toutes ces cucurbitacées ?
Je continue mes recherches sur Internet. Il y a des centaines de recettes avec de la courge, comme il y a des centaines de recettes avec n’importe quel ingrédient… Effectivement, les petits modèles de cucurbitacées sont souvent cuisinés farcis, avec des œufs, de la viande, du fromage, des légumes… Je cherche également des livres de recettes sur cette thématique. À ma surprise totale, je ne trouve que des livres qui datent des années 2000, un peu vieillots.
Courge, n.f. (Cucurbita) : Plante potagère et d’ornement (cucurbitacée), à longue tige grimpante et à grandes fleurs orangées, dont il existe de nombreuses formes cultivées.
Le Larousse
Je me demande si un ouvrage sur les courges intéresserait quelqu’un. L’idée d’un livre avec des recettes uniquement avec des courges commence à germer dans mon esprit. J’en parle à plusieurs amis et à certains chefs que je connais. Certains sont dubitatifs à l’idée de dédier un livre entier aux courges, mais la plupart me répondent que ce serait une excellente idée.
Un livre de recettes sur les courges ?
Le patidou
Après quelques recherches supplémentaires sur les différences visuelles et gustatives entre toutes ces courges, je décide de cuisiner le patidou différemment. Il ne sera pas farci mais en purée. J’avais justement quelques noix de Saint-Jacques dans le congélateur. J’imagine des Saint-Jacques poêlées à la vanille accompagnées de purée de patidou simplement accomodée d’une noix de beurre. La chair jaune de cette courge a un petit goût de pâte d’amande et sa texture proche de la châtaigne me conquit. L’épluchage de cette courge est fastidieux mais sa chair est divine. Je note dans mon carnet toutes mes impressions et la recette de cette purée.
Le jack be little et la pomme d’or
Le lendemain, je téléphone à ma grand-mère pour lui demander la recette de sa farce du chapon de Noël. Dans mes souvenirs, elle est faite de plein d’ingrédients coupés en cubes de 3 mm de côté. J’imagine farcir ces deux petites courges avec cette farce à base de marrons, jambon cru, champignons, échalote et persil. Pour donner un côté encore plus gourmand, j’ajoute une larme de cognac. Après avoir blanchi les courges, je les garnis puis les enfourne.
Cette deuxième tentative de recette est concluante. Un régal ! Les courges sont fondantes, la farce se marie très bien avec. Original et terriblement gourmand ! Les petites courges de différentes couleurs toutes confites en sortant du four sont photogéniques et donnent réellement envie.
Le potimarron
Je réalise finalement une sauce pour napper des pâtes, de la même façon qu’une sauce tomate. Je fais revenir un oignon et de l’ail puis j’y ajoute le potimarron en cubes. Je laisse mijoter, je mixe et j’obtiens une sauce orange vif chaleureuse et délicieuse.
Ces essais me prouvent que les courges peuvent être cuisinées de façons différentes. Je note les recettes et constitue un portfolio avec des textes et des photos dans l’objectif de le proposer à plusieurs maisons d’édition.
J’essaie d’élaborer une liste de maisons d’édition à qui j’aimerais proposer mon travail. Marabout, First, Flammarion, Solar, Le Chêne, Hachette…il en existe énormément. Ayant une idée très précise de mon futur livre, je crée des mises en pages sur mon ordinateur avec les textes et les photos des plats que j’ai fais. Plus je réalise de tests, plus je remplis de pages. Je commence aussi à écrire une introduction générale sur les différentes familles de courges.
Je prends mon courage à deux mains et envoie une proposition à plusieurs maisons d’édition. Je m’étais préparée à ce que personne ne me réponde. Or, contrairement à toute attente, deux maisons d’éditions m’ont répondu moins d’une semaine après… Mais n’allez pas penser que le livre est sorti en un claquement de doigts. C’est après que je me suis rendue compte du travail que représente un livre de cuisine. Noter les recettes, attendre parfois plusieurs semaines le retour de la maison d’édition, trouver une photographe puis une illustratrice, réaliser les photos, corriger les textes…
Mais tout est bien qui finit bien, car deux ans après, Courges Toujours est sorti aux éditions Marabout. J’en suis très fière, c’est mon premier bébé, il est beau! C’est étrange de le voir “en vrai” et de pouvoir le toucher, après toutes les étapes sur ordinateur, mais quelle joie ! Ma famille et mes amis sont tout aussi fiers et grâce à moi ils savent quoi manger cet hiver et offrir à Noël!